3.6.09

Falloir et Aller

Oh, je ne vois pas pourquoi je m’en faisais; ou plutôt, je me suis trompée de motif à me les faire. On s’en fait pas pour ça; si je m’y compare, j’ai bien suffisamment la taille. C’est tous les trucs de courses et d’haleine, pour lesquels faut s’en faire.

S’en faire, mais de quoi au juste; de la bile! Et bien amère. Question qu’on mutte nos falloir en aller. Remarquez, d’ailleurs, que le verbe falloir tel qu’employé en sa forme la plus courante est construit à l’aide de l’emploi passif du verbe être en latin, alors que le verbe aller, lui, ne connais même pas de forme passive. Je trouve ça révélateur, question conditionnement par le langage. Il faut que je m’en fasse (de la bile) : passif. Je vais le faire : actif. C’est dans la grammaire, comme le reste.

Parlant de s’en faire, de l’haleine, je suis allée courir hier, mais pas parce qu’il le fallait; quel bien fou il en est résulté! Enfin, je serai plus intégralement compartimentable pour le désir des hommes!

Ah oui, la belle imposture, ça. On m’en fait, des yeux. On y va même avec la tendresse. C’est vaguement repoussant. Oh, c’est pas à cause des initiateurs de ces sentiments, pas non plus directement, à cause de la passivité avec laquelle je subis cette application de leur intérêt à ma personne. Ou enfin, c’est bien ça, mais en déguisé; j’ai la sensation lancinante d’être au sein d’une vaste supercherie. Car en vérité, il ne s’agirait pas de moi. Trop d’actions/réactions non concordantes selon l’expérience que j’en ai eue. Mais comme il sonne, l’appareil! Pire qu’un moniteur néonatal. Mais comme je suis fascinante!Parce que, n’est-ce pas, n’importe qui qui ferme sa gueule et saisit assez juste pour le signifier au moment pertinent devient un être de prix. Quelle écoute! Quelle intelligence!
Je prends bien soin de ne pas me laisser échapper. Pas qu’on y découvrirait quelque chose. Quand je m’oublie, je ne tarde pas à me rendre compte qu’on n’avait pas remarqué.
« Et moi et moi et moi ». Ou un moment de silence; laissez tremper dans Javellisant MC pour désincruster la tache.
Mais la tache la tache la tache, peut-elle vraiment disparaître? Est-ce qu’on la devine ou pas? Il me semble impossible qu’on puisse s’attacher à autant d’insipidité bien récurée. Tout le monde aime son reflet dans la casserole, j’dis pas…
C’est aliénant, que diable, être aimable! Ça me tue, là! Bon! Je ne la connais pas, moi, cette vague cruche! Qu’est-ce qu’elle à, à vouloir me posséder? Elle m’évide pour prendre la place! Elle m’étouffe, elle vous absorbe trop! Vos débordements!
Je me le façonne mon malheur, je sais bien. C’est les verbes falloir et aller, je les dose mal.

2.5.09

5.4.09

Clics V

Je l'avais dit, oh oui, que je prendrais un coup à la santé de Moebius, oh oui. J'ai traîné dans le remugle triste de mon inertie et de mon apostasie envers l'avenir tout le samedi.
***
Mais dites, il y a une voix qui émerge ces temps-ci. Je la sens bien, cette voix. Petite chose grêle, bourgeon pas sûr... Ah mais je ne peux plus l'empêcher. Ah mais je ne suis plus seulement qu'une irréfléchie-émule. Je patauge dans la cacophonie comme si c'était bel et bon.
***
Vous savez le professeur qui me trouve comique? Je lui ai écrit un sonnet, mais alors là si mauvais, que de frayeur, il a reporté la date d'échéance du travail final. Oui! Il a fait ça. Il a cependant fait suivre ladite mauvaise choses rimée à tous mes collègues de classe; je suppose que c'est le prix à payer. Presque pire que quelqu'un qui regarde vos plus laides culottes dans le panier de lavage, quand les calendes ont débordées...
Mais un gârçon m'a envoyé un Hymne* en remerciement, quelque chose de joli et ouvragé, une petite ciselure, Sakyâ-Mouni pour ceux qui savent de quoi je parle, j'ai rougi de confusion, de honte ou de plaisir ou tous mélangés, jusqu'à mes organes érectiles, aussi petits soient-ils, ils n'en bandent pas moins.
***
À la bibliothèque de l'UdeM, Miron est d r e t t e ** à côté de Mistral. Il y avait, occurence moins fréquente qu'on ne le pense, un tabouret dans la rangée. Je me suis assis dessus et j'ai fixé la tablette, avec une totale absence d'intelligence qui me remplissait la boîte. (Je résiste à la citation... nnng et puis non, je ne résiste pas:
" moi je gis, muré dans la boîte crânienne

dépoétisé dans ma langue et mon appartenance

déphasé et décentré dans ma coïncidence"

Je n'arrivais pas à me formuler une pensée. J'étais toute contemplation.

***

D'ailleurs, parlant de Miron, j'ai tellement une réplique complètement génialement de béton irréfutable pour la personne qui aime pas les Génitifs. Est-ce que la personne qui n'aime pas les génitifs se reconnaît? Si oui, elle est invitée à nous écrire, à l'adresse suivante; CASE POSTALE-- (mais non... par courriel) parce qu'on voudrait la citer dans notre travail. Si elle ne veut pas, on la paraphrasera, voilà tout.

***

Il paraît que j'ai bu toute la semaine passée, et peut-être celle avant; on me l'a dit. Ce n'est malheureusement que trop vraisemblable. Je ne dis que vraisemblable, parce que la consommation d'alcool dérange mes facultés mémorielles, et que je ne peux donc pas l'attester de première main (ou voix. Ou vue. Je ne sais.) Évidemment, je pourrais prétendre que cette corrélation est en fait la mineure nécessaire d'un syllogisme; mais ça ne serait ni vrai***, ni honnête. Je me fie donc sur le témoignage d'un tiers, que je suppose sans intention ni motivation pour me tromper à cet effet. Donc, sans doute, bois-je quasi-quotidiennement depuis quinze jours. J'arrête, je vous le promet.

*(C'est là un mot épicène, ou hermaphrodite, ou plurisexuel si vous préférez, qui possède les trois genres, même celui qui n'existe plus en français, à savoir le neutre. Je l'ai mis au masculin pour faire coïncider avec le sens que Bob m'indique être le plus probant.)

** J'y pense encore. Il paraît qu'il n'existe même pas. Mais son identitée ne m'intéresse pas autant que sa réalité corporelle.

*** Baobabs, tours, épingles, piliers....

2.4.09

Clics IV

J'ai été payée; oh oui, oh oui! Moebius peut être sûr que je bois un coup à sa santé.
***
L'idée fixe me hante. Heureusement pour moi, ma mémoire est une pierre ponce qui émousse sans précipitation les saillies acérées de ce souvenir.
***
Je lui jette en pâture mes ventricules, présentées sur une tablette ligneuse, découpées en tendre morceaux de sashimis. Il les dévore. Qu'il ne se plaigne pas si je le traite impitoyablement ensuite. Toute ma pitié s'est faite piler par un petit organe doux, agile et bardé de fer.
***
Combler les trous, c'est faire un choix. Les laisser vides et obscurs aussi. L'indécision n'est que l'état infiniment inconfortable entre le doute et la profession de foi. À moins qu'on fasse du doute son point de vue. C'était à la mode il y a un demi-siècle et comme on le sait, je suis toujours en retard.
***
Il y a quelque chose de touchant dans la laideur, peut-être plus que dans la beauté. La beauté est une construction, un assemblage de critères, cochez-s'il-y-a-lieu. La laideur, c'est cet échec émouvant à plaire initialement.
***
Une opinion, ce n'est peut-être que le vêtement que se choisit une identité, pour le moment.
***
L'aphorisme ne me sied guère.
***
La préciosité n'a peut-être été si malmenée que parce que c'était le constat lucide de femmes dans un siècle ou elles étaient placées dans le conflit entre leur détermination et leur être. Le compromis résultant a été conspué peut-être non pas pour sa réelle valeur esthétique mais simplement pour son honnêteté malaisée.
***
Son iris était si bleu qu'il m'a donné une hypothermie.
***
Un signe est-il immuable? Moi je pense que non, mais ce n'est peut-être que l'effet de la mode.
***
La soif, après le boire, est inextinguible.

30.3.09

Finalement j'ai pas de coeur :

""Fuck me encore mon animal
Fourre moi mon corps
La chair, le muscle et le mâle
Électrisent ta poigne d r e t t e
Tu prends et tu rues;
Pantèle et râle de renfort.

Touche moi encore, ma bête
Prédateur d’albâtre
Tâte toute ma peau
Que le métal de tes anneaux
Frotte la langue folâtre

Encore, me pénètre
Fais moi le toute la nuit
Presse-moi sur quatre-vingts mètres
Étends moi ce qui luit
D’un pouce sévère
J’humecterai ton pavillon
Retrouve ! ""

25.3.09

Clics et blops existenciels.

D'abord les clics, parce que c'est davantage drôle:
ABONNEZ VOUS À MOI. Pourquoi? Parce que j'ai définitivement les meilleurs abonnés.
***
Quelle est l'étymologie de "qu'in"? Peut-on dire que le système vocalique des Radio-Canadiens fonctionne davantage sur un système de durée que de timbre? Est-ce que ça a quelque chose à voir avec leur mirifique cafétéria?
***
Ces temps-ci, je croise des gens auxquels j'ai pensé la veille. J'entend aussi des blagues qui font références à des rêves que j'ai eu quelques nuits plus tôt [par exemple, dans un rêve de y'a deux nuits, mon père voulait m'appeller "Denis". Pis là, aujourd'hui, j'entends dans le corridor du huitième étage une medame de l'asso de (C)litt qui se fait traiter de Denis par l'espèce de pas fin qui s'arrange toujours pour me lancer des craques pas assez audibles pour que je puisse y répliquer dans une optique conversationnelle, juste assez pour me faire chier, j'suis à veille d'amener ma tapette à mouches à l'école pour y sacrer deux trois ptits coups sul'chapeau la prochaine fois. Parce que JE LE SAIS que ça se fait pas un double négatif ostie c'tait une blague reposant sur la matérialité du langage si tu veux me bitcher fais le DIRECTEMENT ostie de LÂCHE qui se remonte son ego incertain en prouvant sophistement la pseudo-supériorité de son intelligence pas convaincante CHRIST. Bon. Ouf.]
***
Maintenant les Blops;
L'autre jour dans rue.
Type louche derrière moi. D'abord, je me sentais déjà affolée, sur les frises de la paranoïa pour les raisons que l'on va voir dans le Blop suivant. Il ronchonne, inaudiblement (lui aussi le CÂLICE--(finalement le dernier clic était un hybride de blop)) , des affaires vraiment étranges. Je ne les comprends pas; c'est des mots séparés, prononcés sur un ton hargneux, de vindicte, même.
J'ai lu assez de rapports d'enquêtes sur les viols dans ma vie pour savoir quoi faire dans pareille situation; d'ailleurs ma tactique fonctionnait aussi comme une tentative de psychothérapie visant à faire face à mes peurs.
Je me suis, donc, rangée sur le côté et je l'ai fixé dans les yeux en attendant qu'il me dépasse. J'avais calculé que c'était la chose la plus prudente à faire, étant donné le nombre de quidams pédestres présents sur les lieux.

Et là ça devient franchement kafkaesque.

Nous marchons à la file. Je suis maintenant derrière.

Il se retourne en ambulant toujours, et il m'interjecte: "T'as tu peur que j'te saute dessus, kâââlice?"

Je réponds pas. Je le regarde dans les yeux.
La marche continue.

Il se retourne alors de trois-quarts vers moi, pour me dire:
"J'ai-tu l'air d'un agresseur sexuel, stie"
Je ne réagis pas. Lui fixe l'orbite, encore. Je commence à être troublée de voir que la portée de mon geste a été si clairement entendue. Anyway, je reste de glace.
Marche en file.

Il se revire vers moi pour la dernière moi, et maintenant seulement à demi.
"J'ai fait d'la prison, mais pas pour agression sexuelle!"
Même manège de ma part. Il finit par changer de trottoir (c'est son dernier quartier et la nouvelle lune de notre échange).
...Doude!
***
J'ai rompu avec P-L.
Le feeling? Pareil que dans La Prisonnière*, et ensuite Albertine Disparue*. Je ne suis pas dévastée, mais j'avais pas prévu l'étendue réelle de ma tristesse de maintenant.
Vous savez, à force d'être partagée dans mon éternel conflit entre la vision que les autres ont de moi, la mienne qui rejette la leur ou qui doute ou qui tente de voir ce qu'il y a sous leurs jugement et mon miroir posé devant mon reflet établi par mon regard et autres-considérations, il vient un moment où j'arrive à être complètement étonnée par des émotions pourtant bien prévisible, et de rester coite devant la réalisation que je suis moins monstrueuse que je crois qu'on ne me fait.
Tu vois maman? J'ai-un-coeur-je-penses-aux-autres. Je sais que tu vas me sortir le discours tout contraire.
Pas envie de me battre avec tes croyances sur moi, j'ai décidé que c'était surtout du dogme, bref, de l'essence imposée, et je me veux toute transcendance délibérée, dans la mesure du possible.

J'ai eu de la peine de faire de la peine. J'ai douté, doute encore de ce que je voulais et veux. Mais j'admets que je désirais, avais besoin de cette solitude.
***

*Proust. Pis moé j'capitalise mes titres à l'anglaise (et à la Romantique). Empêchez-moi donc, pour voir!

23.3.09

Clics existenciels II

Le professeur concupiscent remet ça.
Lui: "Je n'égare jamais les copies de mes élèves, sauf dans mes cauchemars..."
Moi: "Justement, dans les miens aussi"
Lui: Grand éclat de rire et: "Elle est bonne!!".

...Hein? C'était drôle c'que j'ai dit?

Mais j'avais presque un décolleté. Ce n'est pourtant pas tant la craque de sein, d'après moi, que les lunettes.
***
Il paraîtrait que je peux obtenir le même effet de béatitude incroyable que je ressens depuis LE vendredi sans l'illégalité, et cela en me procurant du 5HTP. Sérotonine, je t'aime. Parler aux humains, je t'aime.
***
J'ai 23 ans et maintenant, je suis capable... de faire des choses.
***
Serait-il possible qu'il n'y ait pas que de la propagande commerciale dans cette urgence de tous les sport-experts à nous recommander des beuhönnes choüssure de coürss'? J'ai si fucking mal à la hanche.
***
Je me méfies encore, mais ça me dérange moins.

Clics existenciels

L'autre jour j'ai pris de la drogue, ça a changé ma vie.
Pour le mieux!
***
Si, pour une raison inexpliquée, un escalier de votre domicile qui vous est particulièrement familier gagnait ou perdait quelques pouces par marche durant la nuit, je peux vous garantir que vous vous pèteriez la gueule le matin suivant.
***
À 18 ans, j'aurais dit oui, parce que j'étais convaincue d'être si laide et non aimable que l'occasion devait nécessairement être une chance inespérée. À 23 ans, ça m'intéresse pas d'être un rebound. On change!
***
Je lis beaucoup d'auteurs morts, parce que je les trouve plus facile d'accès. Et rien, ni personne, surtout pas l'auteur lui-même, peut venir s'immiscer dans la communion parfaite que j'ai avec lui.
***
Moebius ne nous a toujours pas payé.
***
Il massacre le langage même dans mes rêves. Il a des excuses dans mes rêves aussi.

8.3.09

L'introduction qui ne sera pas (ou sera?)

J'ai conscience de me tirer dans le pied avec ce cabotinage, mais vous feriez la même chose que moi si vous aviez à subir les 170 pages de galimatias intello-littéro-philosophico-critique que je dois me taper à toute vitesse, avant demain:

<< Il y a de ces livres qu’on devrait commencer par la fin. La matérialité du langage ne nous permettant pas une telle incartade à la linéarité de tout écrit (malgré ce qu’on en dira), il faut, en dépit de cette constatation, subir l’entonnoir sémantique que nous proposent ces textes. Effet de l’impatience de cette lectrice, ou manque de relation de contiguïté entre les propos du livre, la lecture de « Tics, tics et tics » d’Ora Avni fut une lente remontée à la surface, dans des eaux littéraires embourbées par un foisonnement de termes savants fascinés, semble-t-il, les uns par les autres. La lumière était, dans ce cas-ci, à son rendez-vous au bout du tunnel. L’essai, qui porte comme sous-titre « Figures, Syllogismes, Récit dans Les Chants de Maldoror », se divise en deux parties, l’une qui est à proprement parler une explication de texte et l’autre, un traité sur la rhétorique se disant « plus général ». Cette scission de l’essai divise d’ailleurs pareillement les Chants de Maldoror, mais en respectant l’ordre d’origine desdits chants. La première partie traite donc des Chants I à III et la deuxième partie, d’une manière moins resserrée, des chants IV à V; l’essai sur le Chant VI tient lieu de conclusion. Fantaisie de l’essayiste ou logique supérieure à notre entendement? L’essayiste voulait-elle analyser une œuvre, ou explorer un problème de stylistique précis? C’est ce que ce compte rendu tentera d’exposer. >>

18.2.09

La nouvelle refusée

Voici, pour vous mes lecteurs éprouvés et fidèles, dont l'amour pur me comble et m'émeut jusqu'aux larmes, la nouvelle refusée par le Moebius. Personnellement, je la trouve bien mieux écrite que l'autre; j'y ai investi plus de travail aussi. La thématique peut avoir déplu à l'éditeur; après tout, qui veut entendre parler de deux filles qui ne s'engagent pas dans des activités sexuelles? Je la mets ici, lisez-la si ça vous dit. Et si vous la volez je vous poursuivrai jusqu'à la mort. Pas que les probabilités de ce vol soient très élevées. Mais... bon.

<< Les Asticots


Un cri retentit dans la cuisine, puis des sanglots. Je lève la tête de mes journaux, je tends le cou vers la source des clameurs. Il n’y a nul doute quant à leur interprète; ça vient de Sonia, ma colocataire. Je ne m’alarme pas trop, parce que la scène est accoutumée. Ces soudaines détresses sont généralement aiguillonnées par de bien piètres malheurs; un ongle cassé, du magasinage peu concluant, un appel un peu froid de Bé (le présent élu de son cœur). Je ne me dérange donc pas immédiatement.
Le cri rejaillit, carrément horrifié cette fois, avec des « Ah noooon! » gémissants insérés entre les pleurs. Qu’est-ce que ça peut être? De la moisissure dans un plat oublié dans le frigo?... Comme si un peu de flore fongique pouvait être menaçant. Je décide d’aller lui porter secours, sans grand enthousiasme.
Ce qui m’attend dans la cuisine est autrement déconcertant. À côté de la poubelle renversée, irradiant du point d’impact tel le souffle d’une explosion nucléaire, une myriade de petits asticots gigotant quittent leur puant navire en toute hâte. Certains retardataires, tombés sur leur face antérieure, se tordent d’un bord puis de l’autre, avec des contractions du corps peu ragoûtantes. Ils sont pâles, rosés à l’examen et se déplacent fort rapidement.
Je soupire. C’est tellement dégueulasse.
Sonia a une excellente hygiène en ce qui concerne sa personne, ou disons qu’elle est excellente selon ses conceptions particulières de l’hygiène. (J’ai déjà vu de ses petites culottes traîner, et ça ne passait pas le test Pampers de la propreté). Pour ce qui est de l’entretien ménager par contre, ça laisse franchement à désirer. On dirait que son culte de la propreté, qui ne se borne d’ailleurs qu’à sa propre surface, ne s’étend pas à son environnement.
Si j’ai le malheur de m’absenter quelques temps, je me retrouve toujours avec un surcroît de ménage au retour, ainsi que des dégâts tout simplement indécents. L’autre fois, c’était une petite flaque d’urine laissée par le chien de Bé, que notre jeune première n’avait pas daigné éponger deux jours durant. Encore avant, c’était des casseroles pleines d’eau croupie qui dégageaient une odeur pestilentielle.
Il faut savoir que Sonia est une très belle fille qui sait très bien comment se mettre en valeur. Tous les efforts qu’elle investit dans le maintien de son apparence lui rapportent gros. Le profit se présente sous la forme de l’inconditionnel dévouement que met à sa disposition une foultitude d’êtres couillus. Elle n’a jamais à faire d’efforts ou à prendre d’initiatives, puisqu’on s’empresse de l’assister dès qu’elle est dans l’embarras. Un joli sourire savamment laqué est le seul paiement qu’elle doive octroyer à ses chevaliers servants, qui lui en sont redevables à jamais. Un baiser, lors de la rare occasion méritoire, est l’ultime monnaie de sa gratitude.
C’est ainsi qu’elle tend à laisser les choses se faire autour d’elle, comme par exemple, la gestion des vidanges. Si lesdites choses ne se font pas, la belle indolente ne se donnera pas la peine de s’en occuper. Même si, quand je suis là, je ne me gêne pas pour l’obliger sous peine d’expulsion à faire son lot de corvées, dès que je n’exerce plus ma surveillance il nous arrive des trucs pas possibles, en l’occurrence, une infestation de vers.
Pour en revenir à nos asticots, donc, la pauvre demoiselle en détresse en trépignait de dégoût, geignant à travers ses larmes. Elle effectuait un drôle de mouvement, comme si elle sautait à la corde, mais avec les avant-bras collés contre le corps. Cela pressait et relâchait ses seins alternativement. Squish, squish! «C’est tellement puéril », que je pensais.
Je commençais à partager sa panique. Toutefois, son attitude infantile m’irritait tellement que ça m’exhortait à garder mon sang-froid. La possibilité de l’humilier ensuite de sa détresse était aussi un excellent incitatif à ce calme supérieur.
Je remarque que quelques unes de ces petites engeances se faufilent dans les rainures du mur. Alertée, je soulève la corbeille à linge sale.
Quel marasme. Une colonie des luisantes choses se démènent au grand air, battant la retraite. « Le camp est pris! Cherchons des recoins plus inexpugnables ». Saloperies. J’en vois deux, trois ou dix qui s’immiscent dare-dare entre les lattes du panier à linge, vers une sûreté temporaire. Un rapide coup d’œil m’assure que le contenu ne m’appartient pas. Je perçois en même temps une forte odeur de pourri, quelque chose de grave. En fait c’est des dessous à Sonia. Selon l’odeur, il y a quelque chose d’autre d’enfoui sous les culottes… Je me demande même, sans oser vérifier, s’il n’y a pas un lien entre le type de souillure des culottes, ce qui traîne dans le panier à linge et l’infestation d’asticots. Nous savons que l’odeur de certaines sécrétions corporelles peut attirer certains petits animaux. Nous savons aussi que toutes matière organique en état relatif de putréfaction est une nourriture potentielle pour ces larves… En tout cas, faut s’en occuper, des autres foyers de prolifération aussi.
- Sonia, va chercher l’eau de Javel.
- Ah, je l’ai jetée.
-…Pardon?
- Ben là, elle était pu bonne!
- Comment ça, elle était plus bonne! Je venais d’acheter la bouteille!
- Ben t’en a pris une passée date, ça puait le câlice!
Je ne dis rien. Je suis médusée. Je la regarde en guise de réponse; je n’en reviens juste pas.
La salope m’a jetée mon eau de javel!
Ce n’était même pas délibéré, en plus; c’était un acte de pure ignorance imbécile.
Mais y’a pleins de choses comme ça que Sonia ignore imbécilement. Elle n’a jamais eu à le savoir, que l’eau de javel, ça pue. Je l’ai déjà vue passer un oignon avec la pelure sous l’eau pour le laver. Elle m’a déjà demandé comment fonctionne ma bouilloire en métal.
Je la remplis d’eau chaude, ladite bouilloire. Je viens d’avoir une idée…
- Ok, ben si t’as jeté notre eau de javel qui n’était pas du tout périmée soit dit en passant, aspire-moi ces cochonneries-là en punition.
- No way! J’touche pas à ça!
-HEY!!!
Elle baisse la tête et s’exécute.
Pendant qu’elle s’affaire à brancher l’aspirateur, j’enlève du plancher tout ce qui peut servir de cachette à ces immondices. Lorsque l’eau bout, je la répands dans les rainures et sur les bestioles, que ça tue net, sans bavure. J’en verse une pleine bouilloire dans le panier avant de la remettre sur le feu. Je remarque, que cette cuisson instantanée raidit les asticots directement touchés, les dessèche (c’est de la viande après tout) et les élonge un peu. Ça me fait penser à une place forte assiégée qui se défend en déversant de l’huile bouillante sur ses assaillants… Alors que je m’adonne à mes fantaisies médiévales, Sonia aspire les cadavres des envahisseurs touchés, avec une répugnance non feinte. Elle pleure toujours.
Je me rends alors compte que ça doit être véritablement dur pour elle et j’ai un peu de pitié, à travers tout le ressentiment que je nourris habituellement à son égard. Ressentiment, parce que c’est une belle fille dont la vie est infiniment facilitée de ce fait. Pitié mêlée d’empathie, parce que moi aussi, avoir été seule avec ça, j’aurais braillé comme une bonne.
-Ok, pauvre toi, va te laver la face, ton mascara a coulé pis tu fais dur… Je vais m’occuper du reste.
Quinze minutes plus tard, après l’éradication complète des petites abominations et la mise au chemin de la poubelle et du sac d’aspirateur sinistrés, pendant que je lave le plancher, Sonia s’approche doucement de moi et me susurre un
- Merci…
en déposant un léger baiser sur ma joue…
Ben câline. Je dois l’avouer même si ça blesse mon orgueil; ce simple baiser m’a semblé un salaire pleinement suffisant pour ma peine. Comme quoi je ne vaux guère mieux que toute sa suite de couillus. J’ai même plus envie de l’écœurer avec cette histoire-là… Sauf que :
- Sonia, descends à la buanderie faire ton lavage à soir en échange, ok?
- Promis! >>

16.2.09

Paupières de papier ciré

Piment, muscade et cacao noyés. Je wipe, les yeux sont vernis, les cristallins non alignés, j'vois rien. C'est rare que toutes mes facultés sont dans le même axe, ça décale d'habitude, il manque toujours un élément, ça donne une petite bête furtive et inquiète. Tous les yeux que je ne peux pas allumer me peinent, c'est des fusils à clous, retenue dans ma course. De l'ectoplasme blanc dans un champs de monolithes. Consistance inadéquate, recommencer. Paradigme anachronique. J'aurai jamais assez de tout ce qu'il faut et du savoir faire en plus. Je ne suis pas Brett Easton Ellis rencontre Girls Gone Wild. Je ne suis pas non plus L. G. S, c'est une entitée impossible, construite par tous les regards d'une trop grande quantité de gens qui ne s'en soucient proportionellement pas assez. Ça me donne des fins de semaines compliquées. J'ai pas la foi. Meringue flatte, pas de tonus dans la protéine. Chante pas dans le ton avec une voix cassée. Agacée par les belles héroïnes sur mesures. Le regard flotte et ne se pose nulle part, c'est un goéland qui plane dans un aquilon propice. Tombée dans le mastic, mes articulations s'y brisent.
Je, Être, Avoir; balayez-les de moi; suffit.

11.2.09

Ubi sum, estie

- Cornebleu, tu mets jamais ton blog à jour!
- Je sais, je m’excuse. Laissez-moi vous expliquer.
- Bon, encore une entrée introspective plate à mort?
- Ben oui, qu’est-ce tu veux, je manque d’inspiration, de motivation… Je suis en plein désarroi…
- Ça promet!..

Je fais face à un problème de désagrégement de mon identité. Ce qui était un joli petit amas bien compact, souvent définis et souvent examiné, s’est fondu en une bouillasse brune et incertaine. On a beau dire, le froid Soleil Noir de la Mélancolie a des avantages, question cristallisation (des intentions de suicide ou de connaissance de soi.)
Maintenant que j’ai un sursis dans mon roman Kafkaïen, que je fais de gros-gros effort pour bien-bien écouter, être zentille, pratiquer l’empathie universelle et l’allongement considérable de tout mon vin interne, je ne suis plus sûre de rien. Je doute de tout et ma personne est, en retour, douteuse. Intéressant d’ailleurs, comme l’aspect d’identité dans la question de l’être brouille plus les cartes que son aspect d’indivision. À force de tant écouter les multiples témoignages concernant la personne poulpe, et d’y prêter une attention peut-être trop importante, je ne me retrouve plus comme nœud central.
J’aurais pourtant dû me douter que toutes ces personnes se désintéressent autant de mon mouah qu’ils sont intéressés par la leur.

Prenons ma mère : selon elle je suis une incorrigible et paranoïaque égoïste, qui devrait donc prendre le temps de s’informer de tous les menus désirs de l’Autrui. Elle attend l’avènement de Poulpe Jésus.
Mon copain, lui, au contraire, croit déjà au Messie : je suis donc gentille, j’ai donc l’don d’l’écoute.
Moi, dans tout ça, je suis confuse, mais je trouve un peu gros, quand même, qu’on s’arroge la définition de ma personne. Se doutent-ils à quel point j’en ressors perplexe?

Comment se fait-il que l’ouverture à l’Autre entraîne une si grande perte du Moi? Et comment se fait-il que les Moi fermés soient si attirants, reluisants? Pourquoi est-ce qu’il n’y pas d’état intermédiaire satisfaisant entre le Don complet de Soi à l’Autre, (donc un effacement de cet encombrant Moi), et le regroupement immuable d’un Moi en forteresse qui refuse sa reddition?

Ce que je désirerais c’est, peut-être puérilement, qu’on me considère dans ma potentialité plutôt que dans mes aspects finis en apparence : qu’on partage avec moi la croyance que je ne suis pas un être achevé, que je ne suis qu’un espèce de plasma informe qui tente tant bien que mal de se construire en quelque chose. Ça me blesse de me faire contraindre dans des moules.

Parce que c’est dur de croire en mon « travail », ma « création », mon « avenir » si j’admets toutes ces visions autres d’un moi terminé, bien médiocre, sans chance de rédemption. Même que je n’y arrive pas du tout, quand je confronte ce que je veux à ce qu’on me décrit être.

Peut-être, aussi, ne suis-je qu’une incorrigible paresseuse dénuée de volonté et que je me donne des excuses. Ou que je choisis mal les versions de moi qu’on me propose. Parce que tant qu’à vivre dans l’enfer de Ji-Pi, autant s’accommoder…

19.1.09

Taquin le Superbe

Latiniste + rire d'une blague de Proust = Kick.

Occurrence n'est pas fréquence, mais...

C'est quand même douteux en sale quand votre professeur de Lecture du Poème vous jette un regard coulissant alors qu'il utilise le verbe "pénétrer", et ce pour les deux occasions où ce terme fut employé.
Paranoïa narcissique de ma part ou concupiscence peu fondée de la sienne? J'étais même pas décolletée! (ou si peu.)
Considérant qu'il y a une différence d'âge d'au moins 35 ans entre moi et le professeur en question...

En tout cas.