9.12.10

Des pies et des confitures

Aujourd'hui, en redescendant du huitième étage du pavillon Lionel-Groulx après une tentative infructueuse de récupération de travail, ma botte s'est prise dans la rainure d'une marche et j'ai déboulé tout le pallier. Rectifions: la semelle, fort rigide, n'a pas plié comme mon cortex moteurle prévoyait; s'ensuit une compromission de mon équilibre, entraînant une chute douloureuse, (et humiliante) des huits marches de ladite section d'escalier. Ayant émis un cri, deux jeunes hommes se sont enquis de mon état. Je les ai rassurés et congédiés assez brièvement, parce que je ne voulais pas qu'ils constatent trop longuement les larmes qui affluaient à mes yeux.

À la deuxième tentative, j'ai pu récupérer le travail convoité, pour me rendre compte de sa note, fort médiocre à mon avis.

Pour moi, B, c'est médiocre.

Parce que j'ai, lorsque j'y ai investi le travail, toujours eu des A.

Sauf en Dessin Animé, le premier vrai échec, qui a marqué le début de ma désintégration.

Les bons résultats, ont, pour moi, toujours été lié à une certaine conception que je me fais de moi. Je suis sensée, de façon immanente, intrinsèque, pérenne, être bonne à l'école sans effort. Être la fille intelligente. Celle qui assimile. Que les professeurs aiment.

Quelque chose s'est passé qui a brisé ce mythe ainsi que sa réalisation.

Évidemment, le manque de travail y est pour beaucoup. Mais il y a aussi le manque de motivation et la grande baisse de tolérance face à l'attitude d'obéissance qui est exigée de moi. Ces deux notions sont étroitement liées: c'est qu'il y a une contradiction inhérente pour moi entre la motivation et le résultat obtenu.

C'est-à-dire que je ne peux me motiver que quand je m'approprie le savoir qu'on m'impartit, lorsque je le fais miens, que j'en fait jouer les rouages vers de nouveaux horizons intellectuels, sur une échelle aussi petite que ce soit..

Or les professeurs, du moins à mon Université, ne semblent pas intéressés à cette appropriation du savoir que je pourrais faire: ils sont intéressés à mon obéissance à leur attentes et injonctions.

Ai-je suivi les consignes? Ai-je répondu à leur question? Ai-je retenu ce qu'ils jugent bon de retenir?

Étant donné la primauté, pour moi, d'assimiler le savoir d'une façon dynamique, et aussi que ce dynamisme soit permis, voir encouragé, cette servilité qu'on exige de moi me décourage donc de plus en plus.

Car, je l'avoue, j'ai besoin de la reconnaissance de cette singularité potentielle dans ma vision des choses.

En entrant à l'Université de Montréal, j'ai eu la naïveté de croire que j'y trouverais une communauté d'esprit. Que j'y rencontrerais des Maîtres érudits, confits de savoir, le départissant à des disciples enthousiastes et pétillants de créativité, sans componction et avec magnanimité. Je croyais trouver des gens qui m'aideraient à m'aiguiller dans la bonne direction par rapport aux questions qui m'habitent.
Par exemple: Comment fonctionne le langage dans la communication? Comment déplier ses mécanismes sociaux? Comment modaliser tout ce qui ne passe pas dans la langue? Comment le sujet se pense et se construit-il dans la langue? Quel rapports les textes et la langue entretiennent-ils entre eux et avec le monde?

Et si les textes qu'on m'a donné à lire et les recherches que j'ai eu à faire m'ont apporté nombre de réflexion (je pense rapidement à Gryce, Bourdieu, Kerbrat-Orrechioni, aux théories pragmatiques, à des textes théoriques sur la représentation, aux Confessions de JJR, à combien d'autres!), et si certains de mes Maîtres m'ont ravis par leur intelligence, leur facondes et leurs connaissances, je suis restée dans l'attente, insatisfaite et triste, d'une communauté qui me semblerait préoccupée de ses questions et prête à m'accueillir.

Ce qui me pousse donc à considérer mon passage à l'université, jusqu'à présent, comme un échec. Après plus de trois années entre les murs bruns d'une des Academia francophones soit-disant les plus réputées au monde, force m'est de constater que je suis presque dégoûtée du travail intellectuel, de la réflexion, des problématiques littéraires, de la théorie, de l'apprentissage, des relations maîtres/disciples, et même, presque, de l'écriture et de la lecture, ce qui est pour moi tragique.

Évidemment, j'ai perdu en chemin, pour toutes sortes de raisons qui seraient longues à déplier ici, un certain ethos de travail qui me donnait ces résultats.

Il va falloir travailler plus fort.

24.11.10

AHÉÉ

'Est pas morte. Juste en reconstruction. C'est un procès, ou un processus...