14.7.08

l'abstention

Je suis, au fond, encore un enfant: je me suis jamais sortie de l'ubiquité et du confort du monde des possibles. Agir, c'est se commettre.¹
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Lire Dharma Bums (Kerouac) et De l'inconvéninent d'être Né (Cioran) en même temps, ça fait un drôle d'effet.
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Avant, j'aimais beaucoup raconter des histoires, créer des mondes fictifs. Maintenant, je me méfie de la gratuité de l'imaginaire.
Il me semble qu'il est obligatoire d'enchaîner ces fabulations à du solide, à du vrai. Les dialogues doivent provenir de la systématisation de longues observations prises sur le vif; la psychologie des personnages fondées sur leurs histoires, recherchées dans les dernières théories et les laborieux souvenirs, à la méthode proust; l'intrigue ficelée comme du shibari puriste ou des travaux d'aiguilles polonais, infiniment complexe mais harmonieusement amalgamée... Sinon on est naïf et malhabile. Mais il est peut-être mieux de produire des textes naïfs et malhabiles que de se ronger les ongles à vouloir pondre du sublime ou rien du tout.
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¹(Il me semble que cette phrase là n'est pas de moi...)

8 commentaires:

Alexie M a dit…

Dharma bums, quel bon livre...

Madame Poulpe a dit…

Ouais c'est bien. J'aime mieux ce vieux chialeux de Cioran, ou ce pervers de Dan Simmons, ou ce déliquescent Proust parcontre, parce que tout ce positif chez Kerouac m'agace.

ambidextre a dit…

Burroughs bat Kerouac à main nu n'importe quand!!!

ambidextre a dit…

Oh j'oubliais... pour ce qui est de la gratuité de l'imaginaire... N'écrivons-nous pas toujours que sur soi? Les délirants mondes futurs ou passés de Burroughs ne sont-ils pas ancrés directement dans son être et dans sa propre vie?

Madame Poulpe a dit…

Oui mais comme n'importe quel système clos, si on ne prend aucune énergie ni matière de l'extérieur, le mouvement finit par s'éteindre, selon la loi de l'entropie et/ou des vases communiquants.
Comme Proust l'expose de manière excruciatrice, tout l'intérêt de l'art réside dans l'interprétation du monde que fait l'artiste à travers sa sensibilité.

Et oui, je préfère Burroughs à Kerouac, mais à Burroughs je préfère le délirant Lautréamont, à Lautréamont, Kafka et à tous, je préfère Céline.

(* Ça se voit que ma culture est déficiente, hein? J'aurais voulu nommé un autre poète Beat, genre Ginsberg mais je ne l'ai pas assez lu, ou au moins américain comme Nabokov mais c'est un lien trop lointain ... )

ambidextre a dit…

Ne vous en faite pas pour votre culture déficiente: je ne suis pas un véritable littéraire, je suis un piètre lecteur et me voilà bien impressionné par cet usage que vous faites d'une loi de la physique pour illustrer votre propos.

Votre propos qui me semble fort juste... mais je rajouterais que ce n'est pas tant la quantité de réel dans l'œuvre qui fournit sa force motrice mais souvent la cohérence ontologique entre celle-ci et son créateur. Et quand je dis auteur, je ne pense pas juste à lui, mais aussi à ses proches, à sa ville, etc. puisque nous sommes en grande partie la résultante de tout ce qui nous entoure.

Et tant qu'à faire un classement des pugilistes de la machine à écrire, ajoutons donc Auster à quelque part dans le palmarès...

Anonyme a dit…

De la gratuité de l'imaginaire, hein ? Me pose des questions là-dessus, moi aussi (c'est dans l'air du temps). Je me dis qu'il faut être motivé. Pour ce faire, on peut se trouver une origine et s'imaginer un futur, comme le fait VLB. On peut proposer une vision du monde. J'imagine qu'il faut mettre les choses en ordre. C'est ce que je me disais aujourd'hui. Moi, je le ferais, par la démocratie délibérative (il me faudra lire ­Théorie de l'agir communicationnel de Habermas).

Mais, je me dis ça, c'est un peu superficiel. Je tiens à me vendre à une idéologie. Que ce soit le marxisme ou l'existentialisme. À date j'ai jeté mon dévolu sur celle qui permettait aux gens de parler pis de parler pis de parler...

Tu m'écoutes ? ;-) Hé hé.

alors, je veux me trouver quelque chose de bien. Je ne sais pas comment ça s'applique à la littérature, cependant, parce que je rêve d'écrire (ce que je ne fais pas, en dehors de mon journal).

+ +

Il faut être motivé au sens où le motif donne un sens à l'existence. Il faut avoir une conscience. Se donner un projet. Si c'est pas Dieu (Rabelais), ce sera autre chose :

« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. »

Madame Poulpe a dit…

Oui ben voilà je ne veux pas me vendre à une idéologie. Aucune ne me parle *complètement*.

Je ne veux juste pas sortir du monde des possibles. Je ne veux pas naître. Je ne sais pas vouloir.

Pis je sais pas où asseoir mes fabulations. Jusqu'où on ancre son expérience intérieure? On justifie au poil près comme Zola? On dit n'importe quoi comme les escrivailleurs?